Ma petite parisienne

Ma petite sœur rentre pour le week-end. Elle arrive à la gare à 20h49. Depuis bientôt deux ans, elle vit à Paris. Elle est en classe préparatoire. Je la connais pas très bien, ma petite sœur. Enfin, je dis petite, mais elle a juste un an de moins que moi, et au moins 10 centimètres de plus que moi. Elle est indépendante. Enfin, c'est l'impression qu'elle me donne. Et puis surtout, elle a voyagé, pas mal pour son âge. A 16 ans, elle est partie camper avec des potes en Corse, puis à 18 ans elle est allée au Sziget festival, à Budapest. L'an dernier, nous sommes allées en Irlande ensemble et elle est allée à Prague. Et puis avant tout ça, elle est allée à St Petersbourg. La Russie. Le berceau de la danse classique, les ballets du bolchoï. Ma soeur, elle aurait pu être ballerine. Elle a dansé, longtemps, plus de 10 ans. Elle a fait des solos et des pas de deux, passé des concours, a gagné quelques médailles. Elle en a usé des paires de pointes, en a mis des justaucorps, des tuniques et des tutus blancs et colorés. J'adorais la regarder danser, elle est si gracieuse. Et puis, il y a eu la prépa. Et la tonne de boulot qui s'est effondrée sur elle.
Je me souviens qu'au lycée elle est allée à Rome et à Séville, en Allemagne et en Angleterre. Elle a aussi passé quelques semaines aux States.
Elle a fait ce que ma grand-mère ne cesse de nous répéter, voyager pendant qu'on est jeunes.
Elle est jolie ma sœur. Elle a un nouvel amoureux. Il s'appelle Antoine. Je crois qu'il est déjà bien attaché à elle. Alors j'espère que ça ira. Parce qu'elle le mérite.
J'espère aussi qu'elle réussira ces concours.
C'est que même si je ne lui ai jamais dit, je l'admire et je l'aime ma soeur.
On se ressemble, un peu.
On a passé toute notre enfance ensemble, partagé notre chambre, joué à la poupée. Elles s'appelaient Rose et Geneviève. Prénoms bien désuets. Je ne sais pas pourquoi on a choisi ceux-là. Je me souviens quand on essaie de s'endormir le soir, on chantait des chansons, on se bordait mutuellement, on inventait les rêves qu'on avait fait la nuit dernière. Je me souviens d'histoires avec des poneys, de livres lus, de dessins animés qui passaient en boucle, Aladdin et la Belle et la Bête, notamment.
C'est loin tout ça. J'ai l'impression de ne pas en avoir profité. D'avoir voulu grandir trop vite.
Alors, j'essaie de retrouver ça avec Damien, il ne devrait d'ailleurs pas tardé à rentrer. Je ne veux pas qu'il grandisse trop vite, à tout le temps être entouré d'adultes. Je veux qu'il garde le plus longtemps possible son âme d'enfant.
Je veux le voir sourire, l'entendre rire, regarder ses yeux briller. Je veux le voir étonné, émerveillé et apprendre la vie, tout doucement.
Parce que c'est merveilleux.